Cours Les monstres chez Ovide

Introduction :

Les premiers monstres en littérature sont apparus dans les récits antiques. L’Antiquité est une période de l’Histoire qui s’étend du IVe millénaire avant J-C au Ve siècle de notre ère. Ces récits ont d’abord été transmis oralement puis par écrit, en grec et latin, par des auteurs tels que Homère, Hésiode ou Ovide. Ces textes ont créé la mythologie antique. Pour mieux comprendre ce qu’est la mythologie, nous allons définir ce qu’est un mythe. Ensuite, nous étudierons en deux temps des exemples de monstres mythologiques chez l’auteur Ovide. Nous ferons ainsi apparaître que la rencontre avec le monstre peut être une expérience de l’autre, mais aussi une expérience de soi. Nous expliquerons également ce qu’est une métamorphose.

Le mythe antique

Les mythes sont des récits imaginaires qui tentent d’expliquer l’origine du monde mais aussi d’améliorer la vie en société. Les mythes grecs évoquent notamment les combats des Dieux, la naissance de monstres et de héros.

  • Le mot « mythologie » provient du grec muthos qui signifie « récit, discours ». La mythologie est un ensemble de mythes, de récits imaginaires.
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À retenir

Les mythes sont des récits transmis d’abord oralement, ils ont été modifiés de nombreuses fois avant d’être fixés par écrit.

Ce sont des récits légendaires qui constituent une source d’inspiration majeure pour de nombreux auteurs. Le mythe de Pyrame et Thisbé a par exemple inspiré l’histoire de Roméo et Juliette à Shakespeare en 1597.

Abraham Hondius, Pyrame et Thisbé, 1660-1675 Abraham Hondius, Pyrame et Thisbé, 1660-1675

Dans ce mythe, Pyrame et Thisbé s’aiment mais leurs familles empêchent leur union. Ils décident donc de s’enfuir et se donnent rendez-vous un soir devant un mûrier blanc. Thisbé arrive sur le lieu du rendez-vous la première, mais elle doit se cacher lorsqu’une lionne à la gueule ensanglantée surgit et lui déchire son voile.
Pyrame, trouvant le voile de sa bien-aimée déchiré et tâché de sang pense qu’elle est morte et se donne la mort. Plus tard Thisbé, voyant son amant mort, se donne la mort à son tour. La légende raconte que si les mûriers sont noirs c’est parce que le sang de Pyrame et Thisbé les a éclaboussés ce jour-là.

La pièce Roméo et Juliette de Shakespeare raconte également une histoire d’amour impossible entre deux amants passionnés. Celle-ci se termine aussi tragiquement que pour Pyrame et Thisbé, par la mort des deux amants.

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À retenir

Les histoires que racontent les mythes constituent la base de la littérature et inspirent toujours les auteurs.

Les mythes sont aussi un moyen d’enseignement et un témoignage de la manière dont les intellectuels percevaient le monde dans l’Antiquité. Nous allons maintenant partir à la rencontre des monstres d’Ovide en nous demandant d’abord comment cette rencontre devient une expérience de l’Autre : en effet, pour accomplir son destin, le héros part à la rencontre de cet Autre terrifiant qu’est le monstre pour l’affronter et le terrasser.

La rencontre des monstres : une expérience de l’Autre

Les monstres que nous allons rencontrer dans cette partie du cours apparaissent dans l'œuvre d’Ovide. Ovide est un poète latin du Ier siècle qui a vécu sous le règne de l’empereur Auguste. Son œuvre majeure, les Métamorphoses, est une réécriture de mythes grecs et latins, rédigée en vers et dont les récits mettent en scène le thème de la métamorphose.

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Définition

Métamorphose :

Le nom métamorphose est formé sur le préfixe grec meta qui signifie « après » ou une idée de changement, et le nom morphè, « la forme ». Une métamorphose est une transformation, un passage d’un état à un autre.

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Exemple

On assiste ainsi par exemple, dans les Métamorphoses d’Ovide, à la transformation de Tirésias en devin par Zeus ou encore à la transformation du roi Lycaon en loup.

Les monstres qui peuplent ces récits sont de différentes sortes et parmi les monstres d’Ovide figure le dragon.

Hendrik Goltzius, Cadmus tuant le dragon, 1573-1617, Musée Koldingsus, Danemark Hendrik Goltzius, Cadmus tuant le dragon, 1573-1617, Musée Koldingsus, Danemark

Ovide raconte que le prince Cadmus vint en aide à ses compagnons attaqués par un dragon. Voici un extrait du récit du combat opposant Cadmus au dragon :

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Citation

« La terre résonne sous ses écailles, et le souffle qu’exhale1 sa bouche souille2 et infecte les airs. Tantôt il s’enroule en spirales immenses, tantôt il se dresse plus droit qu’un tronc d’arbre ; tantôt il s’élance d’un vaste bond, aussi impétueux3 qu’un torrent grossi par les pluies […]. »

1 Le verbe exhaler signifie répandre une odeur.
2 Souille veut dire salit.
3 L’adjectif impétueux désigne quelqu’un qui a du mal à se maitriser, qui agit avec violence ou passion.

On peut observer ici le temps des verbes employés : « résonne », « souffle », « exhale » ou encore « infecte » sont des verbes conjugués au présent de l’indicatif. La valeur du présent employé ici est un présent de narration.

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À retenir

Ce qu’on appelle la valeur d’un temps est la raison pour laquelle un temps précis est employé dans un certain contexte. Chaque temps possède une ou plusieurs valeurs.

  • Le présent de narration s’utilise dans un récit au passé, il permet de mettre en relief l’action et de la rendre plus vivante.

Ainsi ce moment du récit écrit au présent rend le dragon encore plus réel.

Ovide décrit également le dragon. Celui-ci est présenté de façon à effrayer le lecteur. La répétition de l’adverbe « tantôt » présente le dragon comme un monstre imprévisible, ce qui le rend effrayant.

Ovide utilise aussi des comparaisons afin de mieux représenter ce monstre. Il le compare à des « spirales », à « un tronc d’arbre », mais aussi à un « torrent ». On voit qu'il s’agit de comparaisons car les termes sont accompagnés des termes comparatifs « plus … que » et « aussi … que ». Cela permet de montrer la force et la violence du dragon et donc de mettre en valeur le chevalier qui le combat.
Le dragon d’Ovide est un monstre terrifiant et dangereux car imprévisible et rapide. Mais il existe d’autres sortes de monstres chez Ovide, qui conservent une part d’humain en eux.
Le redoutable Minotaure, terrassé par le héros Thésée, figure parmi eux. Parce que Minos, roi de Crète, a refusé de sacrifier un taureau en son honneur, le dieu de la mer, Poséidon, fait en sorte que Pasiphaé, la femme de Minos, tombe amoureuse dudit taureau. De cette union monstrueuse naît le Minotaure, monstre à corps d’homme et à tête de taureau, qui fut enfermé dans le Labyrinthe et à qui on dut sacrifier des jeunes en guise de tribut.

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Définition

Tribut :

Contribution, dette, qu’un vainqueur impose à un vaincu.

Apollodore, dans Epitomé, raconte la suite de ce mythe :

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Citation

« Thésée fut tiré au sort parmi les jeunes gens qui devaient faire partie des victimes et durent faire partie du tribut. Mais on dit aussi qu’il se porta volontaire. Quand Thésée arriva en Crète, Ariane, la fille de Minos, tomba amoureuse de lui, et elle promit qu’elle l’aiderait, si elle obtenait en retour la promesse qu’il la mènerait à Athènes en tant qu’épouse. Thésée en fit le serment. […] Conseillée par Dédale, l’architecte du labyrinthe, elle donna à Thésée un fil grâce auquel il pourrait sortir. Ayant débusqué le Minotaure précisément dans la partie la plus reculée du labyrinthe, il le tua à coups de poing, puis, en rembobinant le fil, rebroussa chemin et sortit. »

C’est ainsi que la rencontre du Minotaure fit de Thésée un véritable héros. En affrontant et en terrassant le monstre, il découvre sa véritable identité de héros.

La rencontre du monstre : une expérience de soi

La métamorphose en monstre a beaucoup inspiré les auteurs de littérature fantastique et de fantasy. Cette thématique trouve sa source dans la mythologie et notamment dans les Métamorphoses d’Ovide. Le roi Lycaon et sa transformation en loup a par exemple donné naissance à la légende du loup-garou, que l’on retrouve de façon abondante au cinéma ou en littérature.

Nous allons d’abord étudier la transformation du roi Lycaon en loup chez Ovide, puis nous la comparerons à celle du professeur Lupin décrite par J.K. Rowling dans Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban. Le dieu Zeus s’est présenté, sous la forme d’un vieillard, chez Lycaon, un roi réputé pour être d’une grande cruauté. Lycaon, à qui on a dit que le vieil homme était un dieu, le met à l’épreuve. Il tente d’abord de l’égorger puis lui prépare un bien étrange festin : il lui donne à manger de la chair humaine. Zeus décide, pour le punir, de le métamorphoser en loup :

La métamorphose de Lycaon en loup chez Ovide :

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Citation

« Transporté de rage, et toujours affamé de meurtres, il se jette avec furie sur les troupeaux ; il les déchire, et jouit encore du sang qu’il fait couler. […] Il est changé en loup, et il conserve quelques restes de sa forme première : son poil est gris comme l’étaient ses cheveux ; on remarque la même violence sur sa figure ; le même feu brille dans ses yeux ; tout son corps offre l’image de son ancienne férocité. »

La métamorphose du professeur Lupin en loup chez J.K Rowling :

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Citation

« À cette époque, mes transformations étaient… étaient épouvantables. C’est très douloureux de se transformer en loup-garou. Je ne pouvais mordre personne, puisque j’étais seul, je me mordais donc moi-même. Les villageois entendaient le bruit que je faisais, les hurlements que je poussais et ils pensaient qu’il s’agissait de fantômes particulièrement agressifs. »

Dans le récit d’Ovide, on peut observer un champ lexical de la férocité et de la bestialité.

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Définition

Champ lexical :

Un champ lexical est un ensemble de mots se rapportant à la même idée, à la même thématique. Par exemple les mots « rage », « furie », « déchire », férocité » appartiennent au champ lexical de la violence.

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Astuce

Pour trouver un champ lexical, il suffit de relever les mots qui se rapportent à une même chose, un même sentiment, un même lieu, ou un même thème.

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À retenir

L’analyse du champ lexical permet de dégager l’idée essentielle du texte.

Les termes « rage », « meurtres », « furie », «  déchire », « sang » et « férocité » font partie du champ lexical de la bestialité. Ces termes se rapportent en effet à un massacre. Cette nouvelle apparence mais aussi la violence qui anime Lycaon effraient le lecteur. Toutefois, la métamorphose en loup de Lycaon ne l’a pas totalement changé. Il a conservé une part de son humanité. La répétition de l’adjectif « même » souligne ce fait, Lycaon a le poil « gris comme l’étaient ses cheveux », la même « violence », le même « feu », la même « férocité ».
Lycaon n’est donc pas totalement un autre, il a gardé certaines de ses caractéristiques. La transformation n’est pas totale, elle suggère également que l’Homme peut avoir une part d’animalité en lui. C’est la férocité et la cruauté du roi Lycaon qui transparaissent dans le choix de l’animal dont il prend la forme. Le monstre est ainsi une véritable facette du caractère du personnage.

La transformation en loup-garou dans Harry Potter est racontée du point de vue du loup-garou puisque le narrateur emploie la première personne, « je », pour raconter la transformation. Il est donc intéressant et original d’avoir le point de vue du loup-garou sur sa propre métamorphose. Il qualifie le fait de se transformer de « douloureux » et d’« épouvantable ». Il raconte ensuite la transformation du point de vue des villageois pour insister sur l’horreur de cette expérience. Ces derniers, en entendant les bruits et les hurlements, croyaient qu’il s’agissait de « fantômes ». La peine du loup-garou est donc ici mise en avant, elle peut même attirer la pitié du lecteur.

La férocité et la violence sont des éléments essentiels dans la transformation en loup pour les deux auteurs. Cependant Ovide et Rowling intègrent tous deux une dimension humaine : c’est bien un homme qui se transforme en loup.

  • L’être transformé conserve une part de son humanité.

Chez Ovide, le roi Lycaon possédait déjà une certaine férocité qui se trouve amplifiée par son nouvel état de loup. Le professeur Lupin quant à lui partage son expérience de sa transformation en loup en faisant preuve d’émotions. Mais cette rencontre du monstre comme expérience de soi offre bien d’autres exemples dans les Métamorphoses d’Ovide. Il en est ainsi de l’histoire d’Arachné.

Arachné est une jeune Lydienne très douée dans l’art du tissage et de la broderie. Elle est si talentueuse qu’elle ose prétendre être meilleure que la déesse Athéna, déesse de la guerre. Offensée par cette prétention, Athéna se déguise en vieille femme pour la mettre en garde contre son orgueil et lui conseiller d’honorer les dieux. Mais Arachné persiste dans son arrogance et provoque la déesse en duel. Athéna révèle alors sa véritable identité et accepte le défi. Chacune réalise une tapisserie : celle d’Athéna montre les dieux punissant les mortels impies, tandis qu’Arachné représente les fautes et les tromperies des dieux eux-mêmes, notamment les métamorphoses qu’ils utilisent pour séduire ou tromper. Le travail d’Arachné est sans défauts, mais il offense les dieux. Furieuse, Athéna détruit l’ouvrage et frappe la jeune fille. Accablée, Arachné tente de se pendre. Touchée par son talent et sa détresse, Athéna la sauve, mais la transforme en araignée, la condamnant à tisser sa toile pour l’éternité.
Arachné est changée en monstre (une araignée) non pas pour une faute morale grave, mais pour son orgueil et son irrespect envers les dieux. La métamorphose incarne une punition divine, mais elle conserve aussi l’essence du personnage (le tissage). C’est à la fois une humiliation et une forme de matérialisation de son identité : l’animal n’est pas choisi au hasard.

Conclusion :

Le monstre dans la mythologie peut prendre diverses formes comme le dragon de Cadmus, ou le loup-garou Lycaon, ou encore Python le serpent géant. Il trouve ses origines dans la mythologie latine et grecque pour se développer et évoluer jusqu’à nos jours. Si les récits antiques utilisent le monstre pour mettre en valeur le courage de l’Homme face à la bête, ils nous enseignent aussi que le monstre fait partie de la nature humaine. La rencontre du monstre apparaît ainsi non seulement comme une expérience de l’Autre mais aussi comme une expérience de soi-même, à la découverte de sa propre monstruosité.

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